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DÉBRIS SPATIAUX : UN PROBLÈME MAIS PLUSIEURS SOLUTIONS POSSIBLES

Les débris spatiaux, un problème qui n'a cessé de croître depuis 1957 (Image : ESA).

Les débris spatiaux, un problème qui n’a cessé de croître depuis 1957 (Image : ESA).

Que faire pour tenter de diminuer, ou tout du moins essayer de limiter le nombre d’objets présents autour de la Terre ? Plusieurs possibilités sont explorées par les industriels et les institutions dont la désorbitation ou plus audacieux encore, la capture de débris par un satellite dédié.

Les chiffres du nombre de débris spatiaux actuellement présents autour de notre planète ont de quoi donner le vertige. Comme l’a rappelé Luisa Innoncenti, chef du bureau Clean Space de l’agence spatiale européenne, lors d’une rencontre récemment organisée par l’AJPAE*, 34 000 objets d’une taille supérieure à 10 cm et 900 000 d’une taille comprise entre 1 et 10 cm tournent actuellement autour de la Terre. Et on estime à 128 millions le nombre de déchets spatiaux compris dans une fourchette de 1 à 10 mm. La masse totale de ce qui est aujourd’hui présent au-dessus de nos têtes atteindrait 8 800 t. On dénombrerait aujourd’hui près de 500 collisions dans l’espace. Les satellites encore actifs seraient au nombre de 2300 d’après les statistiques de l’ESA. Bien que lancer un satellite dans l’espace obéisse à des règles strictes, depuis le 4 octobre 1957 et le Spoutnik 1, le nombre d’objets lancés dans l’espace n’a donc cessé de croître. La question des débris orbitaux n’est pas nouvelle mais elle appelle plusieurs possibilités pour limiter leur présence. S’il est illusoire de limiter le nombre de lancements, limiter le nombre d’objets présents dans l’espace est plus accessible notamment en ravitaillant les satellites. Un test dans ce sens est actuellement mené par l’américain Orbital ATK. Le 25 février dernier, son Mission Extension Vehicle (MEV-1), véhicule dérivé d’une plateforme de satellite GEOStar s’est amarré avec succès au satellite de télécommunications Intelsat 901. Lancé en 2001, ce dernier était inactif depuis maintenant 5 ans. Après toute une phase de tests, Intelsat 901 répond maintenant depuis le 2 avril dernier aux besoins d’une vingtaine de clients commerciaux en bande C situés en Afrique, Amérique du Sud ou encore les Caraïbes (bande Ku).

Mardi 5 mai dernier, décollage du premier exemplaire de la fusée Longue Marche 5B dont des éléments se seraient écrasés en Côte d'Ivoire (Photo : CASC).

Mardi 5 mai dernier, décollage du premier exemplaire de la fusée Longue Marche 5B dont des éléments se seraient écrasés en Côte d’Ivoire (Photo : CASC).

Utilisation d’autres matériaux

L’autre option envisagée est la désorbitation pure et simple des objets susceptibles de présenter un danger. Selon la norme internationale ISO 24113, la désorbitation d’un satellite obéit à trois points. Si celle-ci peut se faire « naturellement », la trajectoire de retour doit bien sur viser les zones dépeuplée comme le Pacifique Sud où les trafics aérien et maritime sont moins importants. Mais les satellites doivent aussi être vidés de toutes leurs énergies (propergols notamment) et accomplir leur rentrée atmosphérique dans un délai de 25 ans après leur fin de vie. Une rentrée atmosphérique permet à un gros débris de se vaporiser dans l’atmosphère terrestre mais il peut arriver que des morceaux de grande taille atterrissent presque intact au sol. En 1979, un réservoir d’oxygène de 2 mètres de long, issu de la station spatiale Skylab, a ainsi été récupéré à proximité de la ville de Rawlinna en Australie. Plus récemment, au début du mois de mai de cette année, c’est l’étage central du premier exemplaire de la fusée Longue Marche 5B qui est passé à seulement 170 km d’altitude au-dessus de New-York pour finir sa course 15 minutes plus tard à proximité de Nouakchott en Mauritanie. Un élément de 12 m de long se serait même écrasé à proximité du village de Mahounou en Côte d’Ivoire. La rentrée est donc une chose mais il faut aussi que les éléments puissent se désintégrer en totalité pour éviter de retomber au sol. L’une des options préconisées est d’utiliser d’autres matériaux pour la réalisation de certains sous-systèmes, comme par exemple construire des réservoirs construits en aluminium qui se désintègreront plus facilement “et pour le même prix que des réservoirs en titane”, indique Luisa Innoncenti.

La mission ClearSpace-1 devra capturer l'étage supérieur VESPA de la mission VV02 de 2013 (Image : EPFL)

La mission ClearSpace-1 devra capturer l’étage supérieur VESPA de la mission VV02 de 2013 (Image : EPFL)

Vers un chasseur de satellites

Il est aussi possible d’utiliser un véhicule qui ira chercher le débris pour provoquer directement sa rentrée. C’est dans cette perspective qu’est étudiée la mission ClearSpace-1 sur laquelle travaille actuellement l’ESA en collaboration avec la société Clearspace et l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL). Le nom ClearSpace-1 de cette mission est riche de signification puisqu’il s’agit ni plus ni moins que de « nettoyer » l’orbite basse au moyen d’un dispositif de capture baptisé ADRIOS pour Active Debris Removal In Orbit Servicing. Prévu pour un lancement en 2025, la mission de démonstration fait appel à un petit satellite qui, une fois sur orbite, va déployer ses quatre « tentacules » pour aller se saisir de l’adaptateur de charge utile VESPA de la mission Vega VV02 (lancée en 2013) qui circule actuellement sur une orbite. L’objet en question atteint une masse d’environ 100 kg et croise sur une orbite basse oscillant entre 800 et 600 km d’altitude. Une fois l’objet capturé, l’ensemble sera désorbité dans le Pacifique Sud en six mois. Pour cette mission, un budget de 70 millions a été approuvé lors de la conférence ministérielle Space 19+ qui s’est tenue à Séville à la fin du mois de novembre dernier. Il couvre le financement jusqu’en 2022, date à laquelle il sera rediscuté, c’est-à-dire au cours de la prochaine ministérielle. Le budget total de la mission est estimé à 117 millions d’euros. Si le système s’avère efficace, les futurs satellites du programme Copernicus pourraient être équipés de systèmes facilitant leur capture.

Outre un évident problème écologique (syndrome de Kessler), la gestion des débris spatiaux présente un problème non seulement pour les activités humaines dans l’espace mais aussi pour les activités de services (géo-positionnement et météo entre autres). Avec des lancements de satellites de plus en plus fréquents, dont notamment ceux de Space X pour l’immense constellation Starlink, le nettoyage de l’orbite basse va devenir une préoccupation que les grandes puissances spatiales ne pourront ignorer.

Antoine Meunier

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